Raphaël Baroni

Ariane

 

Ce texte a été généré en suivant le principe de « l’écriture sans écriture ». Il exploite une technologie devenue banale qui servait à l’origine à compenser les contraintes des claviers miniaturisés : le texte prédictif. À chaque étape de la rédaction, un algorithme propose trois mots considérés comme étant ceux qui seront probablement choisis par le rédacteur pour prolonger le texte. La proposition se fonde sur la fréquence de ces mots dans la langue, mais aussi sur les mots déjà actualisés et, ce qui est plus intéressant, sur les habitudes d’écriture de l’utilisateur. Il s’agit donc d’une technologie qualifiée de deep learning, ce qui signifie que l’algorithme se singularise en s’améliorant continuellement, au fil de son usage, sans que l’on puisse pénétrer dans la boîte noire et anticiper le résultat du processus.

L’écriture prédictive (ou écriture à choix multiples) est contemporaine et démocratique. Elle reflète un mode de communication assistée devenu courant dans notre culture numérique. Cette assistance vise à augmenter la fluidité de nos échanges en canalisant leurs possibles, le risque de standardisation de l’expression étant partiellement compensé par la capacité d’apprentissage du dispositif, qui est autant façonné par les habitudes des usagers qu’il façonne leurs usages. L’écriture prédictive est démocratique car elle expose les mécanismes inconscients de nos discours en les transformant en objets esthétiques et elle n’exige aucun talent artistique particulier : que l’on s’appelle Marcel Proust ou Gérard Lambert, on dispose exactement des mêmes possibilités ternaires de s’exprimer et l’on expose avec les mêmes procédés son inconscient et le contexte culturel, technologique et politique dans lequel il s’enracine. L’effet habituel de la lecture d’un texte à choix multiples est de donner envie au lecteur ou à la lectrice d’écrire à son tour selon les mêmes principes, qui sont perçus comme ludiques et d’un accès facile. Le partage des textes à choix multiples sur les réseaux sociaux est encouragé par l’intégration du dispositif dans les applications des téléphones intelligents.

L’écriture a débuté au printemps 2017 et s’est achevée le 15 août 2018 en utilisant l’application « Notes » de mon iPhone. La première partie se base strictement sur les propositions du programme, lequel m’offrait à l’entame de chaque phrase, seulement trois possibilités : je, tu et merci. La segmentation signale les pauses nécessaires pour le renouvellement des options, liées à l’évolution de l’algorithme. Ainsi apparaissent de nouvelles amorces : oui, on, de, hello dear… Une fois le premier mot choisi, de nouvelles possibilités s’ouvrent, à la manière d’une arborescence ternaire, et l’écriture se poursuit à travers une série de choix visant à maintenir une cohérence syntaxique et sémantique minimale, tout en offrant un peu de variation, jusqu’à aboutir à un cul de sac, qui marque le terme de la phrase. L’ajout de la ponctuation constitue le seul enrichissement du texte, de manière à en augmenter la lisibilité. Dans la seconde partie, je propose une variante du dispositif : je me suis laissé la liberté de choisir le premier mot de la phrase (généralement des adverbes) de manière à diversifier les possibilités offertes par l’algorithme. L’apparition de noms propres (Paris, Cape Code, certaines brasseries parisiennes) trahissent l’importance de ces lieux à ce moment de ma vie, mais je précise néanmoins que toute ressemblance avec des événements ou des personnes réelles serait (presque) entièrement fortuite.

 

 

R.B.

 

 

 

I

 

Tu es un peu plus que les gens. Merci beaucoup pour le moment où je suis à Cape Code et je me suis fait une bonne journée. Merci beaucoup pour le moment où tu es au Flore et on se retrouve. Je vais essayer d'aller en cours. Je vais prendre un verre. Je suis à la fin du monde, je me réjouis d'être en retard à cause de la journée de la semaine dernière. Je suis dans mon lit et je me fais, un peu plus tard le soir...

 

Je suis à Paris, en février, et je me bouge... le temps est venu de la recherche des nouvelles. Tu as raison, c'est un truc qui me fait froid dans le métro parisien. Tu as essayé de faire des photos des gens qui ont été. Tu es à Lausanne et je suis à Paris mais c'est un truc qui me manque, de la maison à la gare, de la maison à la maison, de le faire... Tu veux qu'on se le dise. Tu veux aller à Cape Code, à la maison.

 

Je suis en train de faire une bonne année pour la première fois de ma vie. Je me fais un peu plus de poésie. Je me fais un truc. Je me fais des choses que tu as essayé de faire, de te lire un livre, à une playlist YouTube, et le temps est venu de la recherche des éditeurs, de me rembourser la dette de la maison. Tu veux aller en effet à la fin du mois de mai à la maison pour la graduation. Tu veux qu'on se voie à une bonne soirée. Tu es à la fin du mois de mai à Cape Code. Je suis pas avec eux. Je suis en route. Je vais essayer de venir. Je vais faire une sieste et le temps est venu de la fin.

 

II

 

Oui. Je vais faire le service. Je suis en route. Je vais essayer d'aller au Balzar. Je me réjouis beaucoup pour moi. Je me fais un truc. Oui. Je me suis dit que tu as essayé. Je me suis dit que tu veux qu'on se voie. Je me suis dit que tu es où on peut se retrouver. Oui mais c'est un peu plus tard et je suis en train de faire la grasse matinée. Je vais essayer d'aller au Balzar. Je vais essayer d'aller au Flore?

 

III

 

Je suis dans mon lycée et je me fais une petite sieste avant de faire des photos de la journée. Je me suis dit que tu es où on peut se voir en vrai. Oui mais c'est un peu plus de poésie.

 

IV

 

De toute façon c'est la première fois que tu veux que j'achète une voiture. Tu as raison. Tu veux que je te laisse la place. On peut aussi être dur pour les autres. On peut passer à côté des choses. On est là. On se voit bientôt. On est en effet à la fin. Je vais essayer de rentrer dans le monde.

 

V

 

Hello dear,

 

Je vais voir si j'arrive à me lever pour aller à la maison. Je me fais de beaux rêves. On se retrouve dans la rue, sur le terrain. On se voit, les deux hommes ont été à l'origine de cette photo. On peut aussi faire la différence entre le soleil et la date du mois de mai. Je suis en train de faire un tour sur les ondes électromagnétiques de la journée et de festoyer en votre compagnie aérienne. Je vais faire une bonne nuit de sommeil. Oui.

 

VI

 

On est là pour les enfants. Tu veux que je te rappelle que le temps est en train de faire le ménage. On peut aussi être dur pour les enfants et les amis proches. On peut aussi être dur pour les autres. On peut aussi faire la différence entre le temps de la journée et de la semaine. On peut aussi être dur pour moi. On peut passer un bon moment mais il y a aussi des choses que tu as essayé de faire. Oui c'est vrai qu'il y avait des nouvelles technologies. On est en effet de mode et on est en effet de serre.

 

 

 

 

Partie 2: le premier mot

 

I

 

Aujourd'hui j'ai fait les courses. Pourquoi pas. Tu es à la maison. Peut-être que tu veux dire que tu as essayé. Pourtant c'est la première fois que tu veux que je te laisse le temps. Naturellement je me suis dit que tu me manques. Ensuite je me suis dit que je suis dans la rue, sur le terrain de la maison. Derrière la porte, un coup de vent... clac! Soudain, je suis dans un petit café et je te redis que tu as raison de vivre avec la famille et je te laisse le temps de la semaine. Moi, je vais faire un tour. Finalement, j'ai fait un peu plus... Inévitablement, de Ballaigues à Cape Code et de festoyer en votre compagnie... Inévitablement je suis en train de faire un tour sur la carte postale.

 

II

 

Hier soir je me suis dit qu'il était aussi bien à toi et moi. Notre retour à Paris pour les enfants. Ton père et ma mère. Ils ont fait une erreur et on est là pour les autres. Ils sont tous mes amis. Mais je peux passer à côté de ta mère. Elle a dit qu'il était à toi. Moi, je me suis dit que je suis à Paris pour un colloque de narratologie et je te redis que je suis dans mon petit café et je te laisse la place. Hélas pour les enfants. Malheureusement je ne peux pas. Demain on peut aussi être dur. Dur pour les gens qui se sont fait une petite sieste avant de dormir. Dur pour les autres.

 

III

 

Incroyable mais vrai je suis à Paris. Lentement mais sûrement. Lentement je me suis trompé. Pourtant c'est la première fois que tu es à moi. Évidemment que tu veux. Car nous avons besoin d'une nouvelle version du monde. Alors que le temps est venu Après avoir été transféré dans une perspective à toi. Jamais je ne peux passer à côté des choses. Il faut que je te rappelle que tu as essayé. Demain je vais voir un truc. Je vais essayer de venir à la maison.

 

IV

 

Autrement, je ne sais pas si tu veux que j'achète des choses. Je vais essayer. Pourtant c'est la première fois que tu as raison de vivre avec la meilleure personne. Mais il est vraiment très bon. Parfois, il est vraiment trop tard pour moi. Personne ne peut se retrouver dans la chambre. Heureusement qu'il y avait des gens qui ont été les premiers à se faire des efforts pour les autres. Subtilement, je suis dans mon lycée et je te laisse la place.

 

V

 

Autrefois, je me suis trompé de météore. Là, à la plage, je suis dans mon lit. Endormi, je me fais de beaux rêves. Planant sur les ondes électromagnétiques. Écoutant la musique de la compagnie aérienne. Buvant de l'eau-de-vie. Respirant la joie de vivre. Regardant les ondes de la journée. Anéanti par le temps.

 

 

 

Paris-Lausanne, 2017-2018

 

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