Jan Baetens

La Chambre vide

 

Premier mur

 

J’appelle blanche

La chambre vide qui est bleue

C’est-à-dire remplie de bleu

Et pourtant elle est vide

 

Théâtre de table toy theatre

Même nommé coin ou recoin

Des cintres où figure le ciel

Petit proverbe bien dit mal fait

 

Les pas les noirs

Rideaux le réveil oublié

La sensation de place

Points d’attache à nu

 

Il y a dans cette chambre

Quelqu’un qui dit

La chambre est vide

Et pourtant elle est vide

 

 

Deuxième mur

 

À force de regards

Les objets s’entendent

Et l’un après l’autre

S’inclinent et passent

 

Les pas se comptent

Les angles et mesures sortent

Du rang on emballe aussi

Leur mode d’emploi

 

Le sol reste franchissable

L’embarras seulement

Des plinthes si peu de trop

Aux cintres figure le ciel

 

Chaque mot de chaque

Chambre se clôt dispensable

Sur une leçon de morale

Course et cris de jeune fille

 

 

Troisième mur

 

Les couleurs telles des lampes

En plein jour s’éteignent

Décollement des mots

En langues pendantes

 

La fin du terme

Faussement déborde

En l’absence de suite

Les propositions bâillent

 

Et au bout encore

Le vide au cœur du plein

Laisse-moi condamner

Ce mur sans porte

 

Je ferme les yeux

Et voici le noir

Qui devient blanc

Tout rime avec rien

 

 

 

Quatrième mur

 

Un quart de tour termine

La visite sans guide

Superbe point de vue

Sur fenêtre blanche

 

Parenthèse après parenthèse

Depuis pause à entracte

Entre temps et long temps

D’interstice à intervalle

 

Et déjà renaissent les reflets

D’un autre rien nouveaux

Locataires nouvelles louanges

Le temps peut-il manquer de place

 

Dans les textes un carrefour

A toujours eu quatre voix

La chambre se remplit

De mots et reste vide

 

 

 

Premier mur

 

Elle s’appelait blanche

La chambre vide qui est bleue

C’est-à-dire remplie de bleu

Et pourtant elle est vide

 

Théâtre de table toy theatre

Même nommé coin ou recoin

De la descente où figure le ciel

Écho de proverbe bien dit mal fait

 

Les pas les noirs

Rideaux l’étendue oubliée

Sensation du jour et de l’heure

Points d’attraction en veille

 

Il y a dans cette voix

Quelqu’un qui dit

La chambre est vide

Et pourtant elle est vide

 

 

Extrait de Après, depuis.
A paraître en 2021 aux Impressions Nouvelles,

Bruxelles.