Jean-Pierre Montier

 

Placer et déplacer la photographie

Les leçons de l’écrivain japonais Tanizaki Jun'ichirô

5  L’Espion du Kaiser, op. cit., p. 231.

 

 

 

 

 

 

 

 

6  Nostalgie de ma mère, op. cit., p. 417.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 7 Idem, p. 419.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

8  Voir le long et subtil commentaire de cette nouvelle par Yves Bonnefoy, Poésie et photographie, Paris, Galilée, 2014.

 

 

 

 9 Dans Madame Chrysanthème, Pierre Loti joue abondamment des ambivalences culturelles de la figure de la « poupée japonaise », utilisée de façon très ambivalente tantôt avec une ironie frisant le racisme, tantôt comme figure parfaite du désir masculin. Voir J-P Montier, « Le jeu de la poupée japonaise de Pierre Loti », dans Frictions modernistes du masculin-féminin, dir. Oberhuber, Arvisais & Dugas, Rennes, PUR, 2016, p. 169-186.

 

 

10  Un Amour insensé, Tanizaki, op. cit., p. 624-626.

 

 

 

 

 

 

 

 11 Idem, p. 756.

 

 12 C’est un processus similaire que Jean-Paul Sartre décrit dans le chapitre intitulé « Étrange enfer de beauté », dans Saint Genet, comédien et martyr, Paris, Gallimard, 1952.

 

 

 

 13 Histoire de Tomoda et Matsunaga, op. cit., p. 861.

 

 

 

 

 14 Idem, p. 872.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

15  Histoire de Tomoda et Matsunaga, Tanizaki, op. cit., p. 896.

 

 

 16 Idem, p. 921.

 

 

 

 

 17 La question du double, du doublage (de la représentation) et de la doublure (au sens théâtral, un acteur qui en remplace un autre) est très présente chez Raymond Roussel : voir Jean-Pierre Montier, « Et vint La Vue de Raymond Roussel, en ligne sur : http://pierre.campion2.free.fr/montier_roussel.htm. Le problème plus spécifique de la gémellité est un topos majeur en photolittérature : voir notamment Gyongyi Pal, Le Dispositif photo-littéraire en France dans la seconde moitié du XXe siècle (thèse en ligne sur HAL), à propos de Michel Tournier, ou encore Jumeaux & Jumelles, Jean-François Bauret et Vincent Pachès, Paris, Gallimard, 2000.

 

 

 

 

 

18  Éloge de l’ombre, Tanizaki, op. cit., p. 1477.

 

 4 Une Mort dorée, Tanizaki, Œuvres, tome I, Paris, Gallimard, « Pléiade », 1997, p. 115.

 

 

 1 Philippe Ortel, La littérature à l’ère de la photographie, Nîmes, Jacqueline Chambon, 2002.

 

 

 2 « L’irradiation de l’ombre », Anne Bayard-Sakaï, La Recherche photographique, Paris, Maison européenne de la photographie, n° 11, « L’Ombre », décembre 1991, p. 49-51.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 3 Pour une réflexion proprement historique à ce sujet, voir l’ouvrage de Pierre-François Souyri, Moderne sans être occidental, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des idées », 2016.

 

 

Entamant cette réflexion, un scrupule me retient. Il est formulé dans le sous-titre de l’ouvrage publié voilà une vingtaine d’années par Philippe Ortel sur la photolittérature : « Enquête sur une révolution invisible1 ». Omniprésente dans l’imaginaire et l’écriture littéraire des écrivains du XIXe siècle, la photographie n’en est pas moins demeurée quasi « invisible », sans pour autant que son influence en ait été réduite, ni ses effets amoindris. C’est tout le paradoxe d’une mutation dont l’importance fut inversement proportionnelle à la place qui lui a été expressément dévolue, tandis qu’à présent nos œuvres littéraires offrent une surabondance d’emplois de photographies ou de personnages de photographes sans que leurs auteurs aient toujours pleinement conscience de la foisonnante tradition culturelle dans laquelle ils s’inscrivent.

Or, ce paradoxe se voit redoublé précisément chez Tanizaki, dont le plus célèbre des essais, Éloge de l’ombre, est la seule de ses œuvres que la critique, à ma connaissance, ait explicitement mis en rapport avec la photographie2. De quoi y est-il question, sommairement ? Du clivage entre Orient et Occident, ou plus exactement de la validité des marqueurs matérialisant une dualité qui, pour paraître évidente, ne se décline peut-être en une série d’oppositions paradigmatiques (tradition vs modernité, par exemple) que pour mieux asséner autant de vérités partielles, voire de clichés. D’où la pointe d’humour au cœur de la thèse de Tanizaki : si l’Occident c’est la lumière (entendre : le progrès, la raison, l’efficacité matérielle, etc.), alors l’Orient c’est l’ombre… mais une ombre en clair-obscur, qui n’est nullement contraire à ce progrès, ni à cette raison, ni à cette efficacité matérielle. De cette « ombre », de cette « obscure clarté », Tanizaki fait l’éloge car elles ne sont pas les antonymes de la lumière : elles sont un autre régime de représentation, une autre approche de l’histoire culturelle et matérielle, ne cultivant pas cette antinomie stricte entre tradition et modernité, dont la photographie est précisément un marqueur historique, au moins pour les Occidentaux. Or, la question posée par Tanizaki est la suivante : la photographie joue-t-elle vraiment au Japon ce rôle de marqueur ? quelle « place » pour une modernité qui ne soit pas occidentale, une modernité japonaise qui ne soit pas considérée comme suiviste, ni mineure, ni accomplie par imitation ou par importation ? Et si la « photographie » – il faut ici mettre des guillemets, on verra pourquoi – était finalement tout aussi japonaise qu’européenne ? C’est-à-dire : un artefact dont les conséquences ne sont pas moins complexes dans la culture japonaise qu’elles ne le sont dans la culture européenne, même si elle y fut d’abord inventée3

Aussi bien, il ne s’agira pas tant pour moi de pointer, dans l’œuvre romanesque de Tanizaki, les références à la photographie, ni de revendiquer toute leur place et leur visibilité – dans certaines « sciences » humaines actuelles, il est courant de penser en termes de militantisme et de « luttes de visibilité » : telle ne sera pas ma démarche –, que de réfléchir aux motifs pour lesquels ces mêmes références sont à la fois discrètes, « dans l’ombre » en quelque sorte, mais par là même d’autant plus essentielles qu’elles comprennent et condensent aussi la part de clair-obscur que comporte la « modernité », dont la photographie est bel et bien l’emblème.

Ces références ou ces emplois, ce ne seront prioritairement ni des mentions de photographies particulières, ni a fortiori des photographies présentes à titre d’illustrations dans un roman ; c’est tout un ensemble de positions et des questions qui s’énoncent à travers des objets, des dispositifs, des phénomènes (psychologiques, sociaux) liés à la photographie. Il faudra donc envisager ce terme, « photographie », et sa présence au sein du littéraire, comme recouvrant aussi bien des questions ontologiques que des régimes esthétiques ou mimétiques, des modes de relation à la mémoire personnelle et collective, ou encore des objets ayant tout un ensemble d’usages sociaux, depuis le fétiche jusqu’au symbole en passant par le simple indice.

Or la photographie, selon tous ces divers sens, est partout chez Tanizaki. Et elle ne marque pas seulement des clivages, mais aussi et surtout des articulations entre tradition et modernité.

 

Chronologiquement, c’est probablement dans la nouvelle intitulée Une Mort dorée (1914) que Tanizaki expose pour la première fois ses questionnements quant à la nature de l’art, dans un dialogue entre un personnage en première personne et un autre dénommé Okamura. La nouvelle est probablement inspirée de celle d’E. A. Poe intitulée Le Domaine d’Arnheim, mais n’est pas sans évoquer aussi Le Chef-d’Œuvre inconnu de Balzac. La thèse exposée par Okamura est la suivante :

« – Donc, nul besoin d’imagination pour apprécier l’art ?

– Exactement… D’ailleurs, je déteste l’imagination, cette chose horripilante. J’accepte seulement la beauté qui apparaît avec netteté devant moi, que je peux regarder, toucher ou écouter. Je ne me sens quitte qu’après avoir savouré un plaisir esthétique intense, comme à la lumière d’une lampe à arc, et qui ne laisse aucun droit à l’imagination.4 »

Il s’agit d’un débat portant sur la hiérarchie entre les arts plastiques et les arts du verbe, ainsi que sur le type de réalité à laquelle l’art donne accès. Okamura choisit de dépenser toute sa fortune pour édifier une sorte de Luna-Park rassemblant un nombre considérable de copies de statues classiques et mettant en scène des reproductions de tableaux vivants se confondant absolument avec la réalité ; puis, après une fête grandiose inaugurant ce Jardin des Merveilles, il meurt asphyxié, le corps enrobé de feuilles d’or. Pour Okamura, le Beau absolu d’identifierait à « la lumière d’une lampe à arc ». Implicitement, sa thèse est récusée comme narcissique par le personnage proche de Tanizaki, lequel adopte une position comparable à celle de Baudelaire (Salon de 1859), refusant l’équation selon laquelle l’accomplissement de l’art serait le réalisme, lui-même accompli grâce à la photographie. Tanizaki opte clairement en faveur de l’imagination, contre une conception scientiste ou positiviste de l’ontologie photographique, préservant une large part à son imaginaire épiphanique.

En 1915, Tanizaki connaît une période d’occidentalophilie intense ; il publie L’Espion du Kaiser, qui tient de la nouvelle autant que de l’essai. Un personnage allemand dénommé G*** est marié à une Japonaise, mais n’en a pas moins de nombreuses aventures avec d’autres Japonaises qui lui adressent des lettres érotiques sans être pour autant des prostituées. Une énigme s’impose à l’esprit du narrateur : qu’est-ce que la femme japonaise, qu’il croit connaître, mais dont un Occidental lui parle sous un tout autre jour ? C’est une photographie, prise par G*** et qu’il extrait de son journal intime, qui matérialise cette énigme : une jeune Japonaise a posé entièrement nue pour lui, et cette image lui révèle « la beauté sans masque de la femme japonaise » : « Comment pouvait-elle se métamorphoser à ce point dès qu’elle se trouvait devant un Occidental5 ? ». Image érotique, vulgaire, la photographie occasionne aussi une sorte de scandale ontologique, comme si l’intimité de l’homme japonais avait été violée par un œil étranger et intrusif, comme si cette technique était dotée d’un pouvoir révélateur particulier, celui de démasquer l’envers des relations sociales entre sexes japonais.

Dans Nostalgie de ma mère (1919), nulle allusion directe à la photographie (sauf avec la mention de « cartes postales de sites célèbres6 »), mais Tanizaki y reprend la métaphore de la lampe à arc, opposée à l’ombre, dans une nouvelle dense et poignante qui narre une sorte de scène primitive tout entière axée sur la question de la non-coïncidence entre les images du rêve et celles de la réalité, entre perceptions et souvenirs. Dans un paysage nocturne et onirique, deux types de lumières s’opposent, celle de l’électricité (la « lampe à arc ») et celle de la lune. Intermédiaire entre la lumière qui éblouit et l’ombre qui dissimule, la blancheur de la lune « évoquait un film qui se serait subitement immobilisé7 ». Une vieille femme apparaît au narrateur, prénommé Jun.ichi comme Tanizaki : est-ce sa mère ? sa grand-mère ? sa tante ? Seul est visible le profil de l’ombre de ce personnage qui dissimule ses pleurs ; son identité se révèle en même temps que la blancheur de son visage devient à son tour source de lumière : lorsque leurs ombres finissent par coïncider, la vision se fait claire : c’est bien sa mère, en larmes… Mais brusquement il se réveille, se souvient que sa mère est morte depuis deux ans, et constate que son oreiller est humide de larmes… La photographie est ici un instrument particulièrement adéquat au genre fantastique, comme dans La Nuit (1887) de Maupassant8, avec en outre une élaboration plastique et une réflexion esthétique puisées dans la poésie et la peinture nippones traditionnelles : la question qui s’y pose est celle de la distinction et de la hiérarchie des divers modes de représentation, entre rêve, perception et souvenir.

Un Amour insensé (1925) est à un roman très complexe, à la fois hymne à la liberté de mœurs à l’occidentale qui a prévalu jusqu’au tremblement de terre qui rasa Tokyo en 1923, et réquisitoire d’une féroce ironie envers l’individualisme exacerbé que cette même liberté autorise. Jôji, un trentenaire employé modèle et un « type bien », prend sous sa coupe une jeune fille de quinze ans dont il compte faire son épouse, après l’avoir modelée à sa guise. Ce récit rétrospectif en première personne est le journal d’une descente aux enfers, car bien entendu sa Galatée, Naomi, va peu à peu détruire le malheureux Pygmalion : ce dernier s’abîme dans une spirale sadomasochiste causée par le caractère fétichiste de la relation qu’il entretient avec sa « poupée » (la poupée étant à la fois un fantasme masculin et un personnage traditionnel du bunraku)9. La photographie, parce que le procédé même incite à confondre la chose avec son image, est le moyen privilégié de ce fétichisme : Joji achète un appareil pour illustrer le journal intime qu’il intitule Épanouissement de Naomi et où il note les étapes de l’évolution de son adolescente. Le corps et le visage de cette dernière sont assez plastiques pour que les photos qu’il prend d’elle la fassent ressembler à diverses actrices américaines, telle Mary Pickford, etc10. Transformée en star par la grâce de la photogénie, Naomi s’émancipe, devient un cliché hollywoodien, puis trahit Joji qui, trompé, la chasse du studio d’artiste que le couple habitait. Demeuré seul, malade d’amour et de jalousie, il consulte son album de photographies, revoit les poses adoptées par Naomi, les divers déguisements qui la transforment en autant de personnages des deux sexes. Plus grave, à cause de la capacité d’agrandissement de la photographie, il se noie dans la contemplation morbide et fascinée de tous les détails de son corps, le nez, les lèvres, le poignet, et surtout ses pieds. Ces photographies deviennent des icônes adorées : « Dévorant des yeux ces clichés, je sentais sourdre en moi une émotion profonde et religieuse11. » L’être aimé devient une image, qui devient l’objet d’un culte, lequel à son tour dissout l’amour entre les personnages et galvaude le sens même du sacré12.

C’est sur un tout autre ensemble de valeurs fonctionnelles propres à la photographie que va jouer Histoire de Tomoda et Matsunaga, que Tanizaki publie l’année suivante (1926). Nul fétichisme, nulle impulsion en direction du sacré dans ce roman policier où la photographie revêt quatre valeurs distinctes : l’indice, la preuve (des valeurs relevant du genre de l’enquête policière), le double (une valeur éminemment liée au fantastique, mais aussi à la genèse technique de la photographie), enfin l’identité (ici encore, une valeur historiquement essentielle depuis Bertillon et ses travaux sur l’identité judiciaire). Le récit s’entame par une longue lettre expédiée à un écrivain par une de ses lectrices, Matsunaga Shige, qui lui demande d’enquêter sur son mari, qu’elle soupçonne de mener une double vie : elle a découvert dans le sac de ce dernier une carte postale adressée par cet écrivain à un certain Tomoda, une chevalière sertie d’améthyste et une collection de photographies pornographiques. Elle joint à sa lettre un cliché représentant la famille, sur lequel son mari, Matsunaga, ne ressemble nullement à ce Tomoda que l’écrivain fréquente en effet, qui porte bien au doigt une semblable bague, mais qui est beaucoup plus jeune que le mari de Shige ne le paraît sur le cliché. Autant l’écrivain connaît Tomoda comme un homme aux mœurs libertines familier des mauvais quartiers de Tokyo, autant la famille Matsunaga, « dans l’agriculture depuis des générations13 », posant en tenue de pèlerins sur un cliché pris et retouché par un photographe de campagne, renvoie-t-elle à un tout autre univers culturel et social. Pourtant, « à bien y réfléchir, personne n’avait en réalité une identité aussi floue que lui », s’avoue l’écrivain à propos de Tomoda14. Le personnage du romancier, dénommé K. (comme le héros du Procès de Kafka, publié en 1925 ?), se prend ainsi au jeu de l’enquête : il a reconstitué le calendrier des périodes où il n’a pas vu Tomoda dans les cafés et les maisons closes où ils se croisaient, avec celui des mois durant lesquels Shige lui a dit que son époux était supposé parti en voyages d’affaires. Or, sur une durée de onze ans, et à cinq reprises pendant plusieurs semestres, l’un est à Tokyo ou Yokohama quand l’autre est absent de son village près de Nara, et inversement. Pour éliminer un soupçon qu’il n’est pas loin de partager, K. suggère à Tomoda de faire parvenir à Shige des photographies de sa personne : Tomoda, pour prouver sa bonne foi, fait réaliser spécialement des clichés qui doivent l’identifier sans ambages. Mais si les apparences physiques de Tomoda et Matsunaga sont antinomiques – l’un est obèse et bon vivant, l’autre fluet et malingre –, la perplexité de Shige n’est pas entamée : il subsiste entre les deux une singulière communauté de regards15. K. effectue alors un voyage jusqu’au village où vit Shige : il voit quelques instants Matsunaga, récuse comme illusoire toute ressemblance avec Tomoda. Mais une fois revenu à Tokyo, il reçoit la longue confession de ce dernier qui lui avoue – car seul un romancier est apte à comprendre un tel phénomène – sa double vie et ses raisons. Matsunaga et Tomoda ne sont pas exactement des doublons, ils sont dans une configuration inversée, tel Janus. Matsugana a voulu s’identifier à un Occidental, est allé à Paris où il s’est fait appeler “Jacques Morin”, puis est revenu à Shangaï et Yokohama où on l’appelait du prénom américanisé “Tom” (pour Tomoda, son autre soi-même). Mais après quelques années en Occident, où il était peu à peu devenu obèse à force de libertinage débridé, il a connu l’envers de cette civilisation qui pourtant le fascinait, n’a plus été capable de la supporter, a dû partir pour se ressourcer au Japon et s’y infliger une ascèse vitale avant de revenir dans sa famille. Cette double polarité devenue une double identité se traduisait par une modification, ou plutôt une métamorphose physique, de sorte que Matsunaga/Tomoda se demande s’il est deux en une personne ou bien une en deux : « Quand il y en a un en ce monde, l’autre n’y est pas. A tour de rôle, ils prennent possession de ce “moi”. C’est la seule façon dont je parviens à me représenter les choses16. » Bien plus subtilement que ne le font nombre de recherches d’à présent sur l’identité, cette question n’est ici nullement posée en termes d’héritage, ni génétique ni même culturel, mais à la fois comme une énigme et une dynamique, voire comme une aporie quasi tragique plutôt que simplement fantastique. En un sens, la photo censée prouver l’identité de Tomoda est utilisée comme faux témoin ; mais elle porte quand même une part de vrai, puisqu’il est Matsunaga et Tomoda, un Occidental et un Oriental, selon une réversibilité semblable à celle du couple photographique positif/négatif. Mais si elle leurre K., elle ne parvient pas à tromper sa femme, qui a perçu entre son mari et sa doublure un regard non pas tout à fait identique mais commun, partagé, comme chez des jumeaux17.

L’usage que fait Tanizaki de la photographie – qui est donc très loin de n’être qu’un accessoire –, est ainsi totalement intégré à tous les plans de l’écriture littéraire, narratif, symbolique, poétique, et même politique, puisqu’au bout du compte ces questions concernent l’identité du Japon – écartelé entre ses villes et ses campagnes, entre avant Meiji et après –, et plus largement l’assimilation des techniques importées d’Occident au risque pour ce pays d’y perdre son âme. Et pourtant, comme Tanizaki l’écrira quelques années plus tard dans Éloge de l’ombre, à propos des cinéastes japonais, « l’originalité du génie national se révèle dans la seule photographie. Or, nous nous servons des mêmes appareils, des mêmes révélateurs chimiques, des mêmes films18. » Tout le problème est dans la copule « ET » figurant entre les deux noms de personnages “Matsunaga et Tomoda”, ces jumeaux oriental-occidental : certes la photographie est une création de la science occidentale ; cependant, et quoiqu’elle en soit le symbole le plus évident, n’est-elle pas, sous certains aspects, non seulement très compatible avec certaines spécificités de la civilisation japonaise, mais révélatrice de celles-ci : donc à la fois occidentale et orientale ?

Si Tanizaki, ainsi qu’on commence à le comprendre, accorde une telle place à la photographie dans son œuvre littéraire c’est probablement qu’elle joue, dans ses questionnements philosophiques et esthétiques, le même rôle que cette copule ET qui met au défi d’assimiler l’exogène, en l’additionnant à l’endogène – sans rien soustraire à l’âme japonaise, ni la trahir –.

Cette solution de compatibilité entre tradition et modernité qui serait en somme portée, symbolisée par la photographie, on peut la retrouver dans le roman intitulé Yoshino (1931). Tel est le nom d’une région montagneuse qui concentre parfaitement l’histoire médiévale tourmentée du Japon. C’est là que deux anciens camarades de lycée se retrouvent par hasard : l’un est écrivain et y recherche de la documentation en vue d’un projet de roman historique ; l’autre, dénommé Tsumura, est en quête de ses origines, en particulier de sa mère dont il a reçu une lettre posthume. Ce dernier retrouve, dans la maison familiale, une vieille femme, qui se souvient qu’elle possède, dans l’autel des défunts, une photographie de sa sœur, la mère de Tsumura, dénommée O-Sumi. Avec cette photo (dont Tsumura possède un double dans son propre album, ce qui atteste de l’authenticité de cette image retrouvée19), il ne reste d’O-Sumi qu’un koto, instrument de musique traditionnelle utilisé pour accompagner les spectacles de bunraku. Il se confirme que O-Sumi a été vendue, adolescente, à une famille d’Osaka, et qu’elle était devenue une geisha. Mais Tsumura fait aussi la connaissance de 0-Wasa, la fille d’une autre de ses tantes : c’est une campagnarde sans doute, ses doigts sont gercés à force de travailler à la fabrication du papier, mais « […] dès que je l’ai aperçue, avec ses mains rouges plongées dans l’eau, bizarrement, elle m’a plu. Et puis, c’est vrai, son visage a quelque chose de celui de ma mère tel que je l’ai vu sur les photos20. » Mais cette photo ne permet pas seulement la transition d’une femme, la mère, à une autre dont elle partage l’héritage génétique, la future épouse. Associée à d’autres objets anciens et quasi sacrés – autel des défunts, légendes du renard blanc, koto, etc. –, dotée aussi d’une singulière compatibilité avec la culture animiste japonaise, la photographie a le pouvoir de lisser la fracture séparant le passé, si éloigné soit-il, du présent, si moderne qu’il se veuille. L’on a ainsi affaire à une sorte de mise en facteur, comme on dit en mathématiques, de la valeur médiumnique de la photographie (celle qu’elle aura par exemple chez Roland Barthes, avec précisément une photographie de la mère disparue) avec sa valeur d’embrayeur de fiction (l’amour envers O-Wasa prend sa source dans l’image de la mère qui l’inspire et le justifie), dont le résultat est que la photographie joue effectivement le rôle de pierre de touche d’une esthétique littéraire très cohérente.

Quant au personnage d’écrivain, qui finalement renoncera à son projet de roman réaliste, son échec sera effacé par l’acte d’un auteur bien réel – Tanizaki lui-même–, qui, dans une édition illustrée de cette même nouvelle, en 1937, fera insérer des photos du site de Yoshino mais aussi – et c’est plus étonnant – une photo de la lettre envoyée par sa mère à Tsumura. Bien évidemment, cette lettre calligraphiée est fictive ; mais, photographiée, elle n’en sert pas moins à valider l’esthétique même de Tanizaki, reposant sur une savante combinaison de références documentaires et de légendaire onirique, deux valeurs en principe antinomiques mais subtilement articulées par l’écrivain japonais21.

La photographie chez Tanizaki est donc à la fois du côté de la fiction et du côté du réel, et c’est cette combinatoire qui fonde son esthétique de la représentation.

Le Coupeur de roseaux, un court roman publié en 1932, présente une configuration similaire à Yoshino. Inspiré d’une nouvelle du Xe siècle, il s’agit d’un pastiche de la littérature ancienne et du genre du monogatari22, et ce jusque dans les options calligraphiques. Plusieurs dualismes sont posés par le récit. L’on a deux narrateurs, un premier marqué par la modernité, et un second qui est présenté comme « l’ombre23 » du premier et qui, placé à son côté parmi les roseaux au clair de lune, lui raconte l’histoire d’une courtisane que son père avait aimée voilà une quarantaine d’années. La scène se déroule symboliquement au bord du fleuve Yodo – à mi-chemin entre Osaka et Kyôto, entre Japon moderne et classique –, d’où l’on aperçoit une belle villa nobiliaire. Des références visuelles sont systématiquement posées, les unes à l’art de la gravure ancienne – celles d’un ancien ouvrage illustré intitulé Coup d’œil dur les rives du fleuve Yodo24 –, les autres à la photographie. Mais tous ces divers dualismes ne sont disposés que pour se voir dépassés, de sorte que ce récit rétrospectif, loin de verser dans la nostalgie et l’évocation des fantômes du passé, se termine brutalement sur une annonce prospective : le second narrateur dit qu’il va se rendre à la belle villa où O-Yû, désormais octogénaire, joue encore du koto en kimono traditionnel. Or, c’est à la description d’une photographie de O-Yû qu’est dévolue cette fonction dialectique : « […] celui qui la regardait fixement avait l’impression que ses propres yeux se voilaient et qu’un halo de brouillard venait envelopper la seule personne de cette femme. L’expression “noblement raffinée” que l’on rencontre dans nos anciens ouvrages désignait précisément ce genre de visage [et sa personne] respirait le genre d’atmosphère que l’on trouve dans l’aspect des anciennes poupées de la Cour, un mélange d’éclat rayonnant et de grâce classique25. » O-Yû est à la fois femme et enfant, mère et maîtresse, dame du passé et femme pleinement contemporaine : après avoir donné un concert en s’accompagnant au koto, vêtue d’un habit de Cour, « elle aurait souhaité qu’on la prît en photo avant qu’elle ne se déshabillât26. » Dès lors, la photographie n’incarne pas un phénomène de rupture propre à la modernité occidentale, mais elle s’insère en prolongement des techniques traditionnelles de la confection des images. En outre, si elle renvoie bien au passé, si elle permet d’évoquer des fantômes disparus, elle n’en est pas moins compatible avec le présent le plus immédiat, dans un mouvement de dépassement du clivage entre le révolu et l’actuel.

C’est un dispositif assez comparable qui prévaut dans Shunkin, esquisse d’un portrait, publié en 1933. Là encore, si le cadre historique est fourni par le Japon féodal, Tanizaki en réalité suggère qu’il s’est aussi librement inspiré de Stendhal (dans L’Abbesse de Castro, 1855) pour l’usage qu’il fait de documents anciens, tirés d’une parfaitement fictive Chronique de la vie de Mozuya Shunkin, qui, après le décès de cette femme en l’an 19 de Meiji (1886), aurait été rédigée par son disciple et amant, Sasuke.

Shunkin, jeune femme née dans une riche famille d’Osaka, d’une remarquable beauté, se montre une danseuse aux qualités tout aussi exceptionnelles ; mais elle perd la vue lors de son adolescence et doit désormais se consacrer exclusivement à la musique, devenant un maître dans l’art du koto et du shamisen. Son disciple Sasuke l’aime à la folie, si maltraité qu’il soit par Sunkin : dans un ultime geste d’amour aussi absolu que masochiste, il finit par s’enfoncer une aiguille dans les yeux, devenant aveugle lui aussi – et le texte suggère que la photo dont il sera question – celle de Shunkin aveugle –, est l’ultime image du monde que Sasuke ait vue avant de s’infliger cette infirmité27.

Il faudrait pouvoir commenter en détails la longue description de ce portrait photographique de Shunkin, que le lecteur trouve à l’entame de ce récit. Donnons-en simplement quelques caractéristiques. Il est d’abord singulier de voir un romancier recourir à une photographie pour réaliser le portrait d’un personnage en début de roman, quand il eût été si aisé de ne pas user de cet artifice, d’autant plus que l’image est décrite comme mal lisible : « […] Il s’agit d’un cliché de l’ère Keiô ou des toutes premières années de Meiji, il est fané comme la mémoire d’un passé lointain et des piqûres apparaissent en plusieurs endroits28. » C’est donc que, dans ce roman comme dans les précédents, la présence d’une photographie est fonctionnelle et signifiante en tant que telle.

Aussi bien, que vaut-elle, littérairement parlant ?

Elle vaut d’abord comme document, dans le cadre d’une conception de la fiction où l’imagination ne saurait s’opposer à l’exactitude ni le réalisme se passer d’une aura imaginaire. C’est aussi pourquoi cette photo, certes, renvoie au moment du passé où elle fut prise, mais aussi à un bien plus large empan historique : elle a été prise au milieu du XIXe siècle, ce qui veut dire que le Japon – et c’est exact – fut l’un des premiers pays au monde à adopter cette technique, donc à passer à la modernité. Mais en outre, cette photo d’une musicienne traditionnelle pérennise un art et une éthique millénaires, bien antérieures évidemment au moment moderne. Pour le dire autrement, cette photographie ne signifie pas seulement « ça a été », selon la formule barthésienne bien connue, elle exprime aussi quelque chose comme : Cela a bien existé à tel moment, mais cela renvoie à une durée beaucoup plus longue que ce seul instant. Cette photo possède donc d’autant plus de valeur qu’elle est « défraîchie », donc à la fois datée et sans âge, un peu comme Shunkin elle-même, personnage qui a 36 ans à l’époque du cliché, mais, ajoute le narrateur, « aurait-elle eu dix ans de moins que cela resterait tout aussi plausible29. »

Second caractère remarquable : comme la photo de O-Yû dans Le Coupeur de roseaux, celle de Shunkin est décrite de telle sorte que l’on croie qu’il s’agit d’une gravure ou d’une estampe : elle a « des yeux et un nez menu, doucement esquissés […] comme si une main légère venait de les tracer délicatement », « un visage ovale aux contours bien dessinés ». La photo ne se substitue donc pas à l’estampe, elle ne remplace pas une technique dépassée, les deux conjuguent leurs qualités sémiotiques et leurs pouvoirs mimétiques respectifs. D’où l’ironique défi lancé par le narrateur :

« Après avoir lu ces lignes, lecteur, quel visage vois-tu se dessiner ? Probablement n’as-tu pu tracer dans ton esprit que des traits flous peu satisfaisants, mais verrais-tu la photo en question que cela ne te procurerait vraisemblablement pas une vision plus claire, et – qui sait ? – ce cliché te paraîtrait encore plus brouillé que le fruit de ton imagination30. »

Bien évidemment, aucune photo, même fictive, ne sera publiée avec ce roman, conçu par Tanizaki comme mêlant réalisme onirique et la fiction documentée, et lissant subtilement la distinction entre mémoire et imagination. Surtout, cette photo portrait de Shunkin est un hapax et un oxymore.

Un hapax, car, énonce le texte, il n’existe d’elle aucune autre photographie : lorsqu’elle était plus jeune, « les techniques photographiques n’avaient pas encore été importées31 ». Unique, au-delà du moment passé qu’elle manifeste, elle symbolise un basculement d’une époque à une autre, peut-être un clivage historique.

Et un oxymore, en tant qu’elle montre une photo d’aveugle, un visage aux yeux ouverts sur le vide, des yeux non-voyants. Il y a une sorte de paradoxe propre à la photo représentant un aveugle – comme Blind Woman, de Paul Strand (1917) –, dans la mesure où s’y combinent une incompatibilité de principe – donc une forme d’énigme – et un effet de miroir en direction du spectateur qui la regarde, et qui, privé du reflet du visage de l’autre32, s’imagine lui-même dévisagé par ces yeux qui, quoique ne voyant rien, incarnent cependant quelque chose comme la cécité de la condition humaine. Mais nulle autre image ne pourrait mieux manifester le caractère sacré de la personne et de l’art de Shunkin que cette photo qui la montre les yeux mi-clos, « avec une vague expression de compassion comme le fidèle en prière peut en voir aux images anciennes de Kannon33 ».

L’image de cette musicienne aveugle, imprimée dans l’esprit de son disciple qui se crève volontairement les yeux afin de lui être intégralement fidèle, pose une énigme sacrée au cœur de ce roman, l’un des chefs-d’œuvre de Tanizaki.

Ce dernier en vient à nuancer considérablement, voire à contredire, la position très conforme à celle de Baudelaire que nous trouvions en 1914 dans Une Mort dorée. Dans Shunkin, esquisse d’un portrait, publié rappelons-le en 1933, loin d’être par principe rétive à l’imagination, loin d’être contraire au sentiment du sacré, ni incapable de transcendance, loin de symboliser une modernité qui ne serait définie que comme un phénomène global de nivellement, d’aplatissement matérialiste, de pornographie narcissique, la photographie vient à s’inscrire dans la tradition de l’estampe, celle des « images anciennes de Kannon ». Sans se confondre l’une avec l’autre, l’image iconique ancienne et l’image mécanique nouvelle se potentialisent l’une l’autre.

Deux ans plus tard, en 1935, Walter Benjamin, rédigeant son célèbre essai, L’Œuvre d’art à l’époque de la reproductibilité technique34, s’efforcera de penser, d’un point de vue strictement matérialiste, l’articulation entre ce mécanisme reproductible et – chose très contradictoire – la présence d’un sentiment quasi sacré : c’est ce qu’il dénommera l’aura propre à la photographie. Chez Benjamin, ce vocable – finalement assez obscur –, demeure empreint du dilemme proprement occidental entre idéalisme et matérialisme. Dilemme absent chez Tanizaki : pourtant, dans la photographie de Shunkin, c’est bien d’une forme d’aura qu’il s’agit, et l’on peut estimer que l’écrivain japonais propose une solution plus pertinente – plus finement dialectique – que Benjamin au problème posé par la photographie, en tant qu’elle est capable d’articuler, de fait, du matériel avec du spirituel.

Ce que manifeste le panorama des textes de Tanizaki que nous avons esquissé – nous nous sommes cantonné au seul premier tome de ses œuvres dans l’édition de La Pléiade –, c’est d’abord le fait que la photographie occupe une place centrale dans ses réflexions sur les pouvoirs de la fiction et l’évolution du roman en tant que système mimétique (incluant par conséquent des images, à lire et à voir). Mais c’est aussi une nette évolution quant à sa conception des fonctions et des valeurs de cette image proprement dite, qu’il ne va cesser de rapporter aux images traditionnelles.

Plus largement, ce qui se joue dans cette réflexion sur le long terme, c’est la place de la photographie à l’intersection de deux histoires culturelles qui sont asynchrones et dont les catégories philosophiques sont décalées. Mais cette place est d’autant plus cruciale qu’elle permet aussi d’interroger en retour cette chronologie et ces catégories : si la photographie est le marqueur de la modernité, celle-ci est-elle vraiment une cassure avec la tradition mimétique, le basculement vers l’ère du vide spirituel ? Il faut probablement concevoir la modernité non pas en termes d’influence passive de l’Occident sur l’Orient, mais comme une phase historique commune, requérant des écrivains et des artistes de l’un et l’autre antipode qu’ils remettent en chantier la question de la valeur et des pouvoirs de leurs fictions. C’est précisément ce qu’a accompli Tanizaki35.

 

 

 

 

 

 

 

 19 Yoshino, Tanizaki, op. cit., p. 1113.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

20  Idem, p. 1117.

 

 

 21 Voir dans l’édition de référence la notice signée Jacqueline Pigeot, p. 1795.

 

 

 

 

 

22 Le monogatari est un genre littéraire japonais proche de ce que nous dénommons un roman. Tanizaki proposera en 1939 une traduction moderne du plus célèbre, le Genji monogatari.

 

 

 23 Le Coupeur de roseaux, Tanizaki, op. cit., p. 1361.

 

 

 

 

 

 

 24 Idem, p. 1356.

 

 

25 Idem, p. 1371.

 

 

 

 

 26 Idem, p. 1373.

 

 

34  Walter Benjamin, L’Œuvre d’art à l’époque de la reproductibilité technique, traduction Maurice de Gandillac, Paris, Allia, 2003.

 35 Au moment de terminer cet article, je m’avise de la publication d’un ouvrage dont un chapitre entier est consacré à Tanizaki : celui d’Atsuko Sakaki, The Rhetoric of Photography in Modern japanese Literature, Leyde, Brill’s japanese studies library, 2016. J’y renvoie pour les analyses fines et détaillées qui y sont proposées.

 27 Le topos de la photographie comme ultime vision, imprimée dans l’œil avant la mort ou la perte de la vue, est présent avec le mythe de l’optogramme, que l’on trouve notamment Claire Lenoir de Villiers de l’Isle Adam (1867) ou dans Les Frères Kip, de Jules Verne (1902). Voir Fleur Hopkins, « Un miroir déformé du temps présent : optogrammes et rétrovisions dans l’imaginaire merveilleux scientifique français », Revue d’histoire culturelle, 2020 :1, [en ligne] http://mshparisnord.fr/rhc/index.php?id=413.

 

 

 

 28 Shunkin, esquisse d’un portrait, Tanizaki, op. cit., p. 1397.

 

 

 29 Idem, p. 1397.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 30 Idem, p. 1398.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 31 Idem.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 32 Sur la dimension phénoménologique et ontologique du visage, voir Emmanuel Lévinas, Éthique et infini, Paris, Fayard, 1982.

 

 

 

 

 

33  Idem, p. 1398.