Dialogue imaginé entre trois personnages de la série télévisée Twin Peaks ( David Lynch / Mark Frost - 1990 )

 

Situation :

Seamus Kealy, directeur du Kunstverein de Salzburg, a organisé au cours de l’été 2014 une exposition, Punctum, inspirée du livre de Roland Barthes La chambre claire.

Pour ma participation j’ai sélectionné une planche rassemblant les vingt-quatre portraits des acteurs de la série Twin Peaks. Ce document extrait des archives de David Lynch a été publié en 1998 dans la monographie consacrée au cinéaste par les Cahiers du cinéma. On le trouvera à la page 130 de la publication. J’ai transformé cette archive en occultant les images, à l’exception de trois d’entre elles où figurent les protagonistes de l’action présentée ci-après. L’ensemble des informations portant sur la distribution des rôles a été conservé.

 

Audrey Horne : pull ras de cou beige — cheveux courts, mèche brune ramenée sur l’œil — rouge à lèvres — caractère enjoué.

Dale Cooper : chemise blanche, cravate, veste sombre — FBI Special Agent — caractère circonspect et pragmatique.

Josie Packard : pull noir — visage dégagé — bouche maquillée rouge vif — caractère perspicace et imaginatif.

 

Action :

Audrey Horne ( elle s’adresse à Dale Cooper ) :

« — Comme cela est intrigant ! Les choses que nous avons en tête, les pensées, les arrière-pensées, les souvenirs, les intentions, les rêves éveillés et nocturnes jusqu’aux idées d’autrui que nous projetons en nous ! Je pense à ces objets qui n’ont pas de place dans l’espace entre la table, le tapis et la chaise ! »

 

Dale Cooper :

« — Faux ! C’est entre le tapis, la table et la chaise que tout se tient. La place de l’imaginaire est ici. C’est sous nos yeux qu’est le mystère. Nous faisons des hypothèses au sujet du monde, nous établissons des relations que nous abandonnons ensuite. Sous certains rapports des objets voient le jour et d’autres disparaissent à jamais. Implacable et vaste scénario de la concurrence et de la sélection ! »

 

Josie Packard ( exhaltée ) :

« — Oui ! Les axiomes, les théorèmes, les raisonnements, les propos philosophiques et les fabulations assurent la plastique de ce scénario. Ils sont le ciment dramatique et provisoire des faits. Imaginons-les comme des acteurs qui, une fois leur performance accomplie et encore revêtus de leurs attributs de scène, se tournent vers le public pour en recevoir le verdict. Un pied dans la fiction, un pied dans l’actualité. C’est là le point ( punctum ), un moment efficace où le monde pour trouver sa cohérence s’attache à la fiction.»

Elle ajoute en se tournant vers le public :

« — Mon nom est Joan Chen.»

 

 

Suzanne Lafont

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